Le colloque est organisé par le laboratoire junior CMDR et aura lieu à l’Ens de Lyon du 16 au 18 octobre.
Après lecture des propositions, les membres du laboratoire soumettront leur sélection aux membres du comité scientifique composé des personnalités suivantes :
Le corps est devenu un objet central de la recherche en sciences humaines : l’histoire de l’art, la philosophie, la sociologie, l’histoire et la littérature s’en sont emparées et interrogent deux corps bien différents. Le premier est un corps médiatisé par un système de représentation, un corps sémiotique. C’est ce corps-là que l’on retrouve dans les œuvres d’art mais aussi dans des sources non artistiques – comptes rendus de procès, correspondance privée etc. – qui ont recours à un système d’écriture. Ce système de représentation est analysable en termes de forme symbolique, au sens où l’entend Panofsky1. Le second corps serait le corps réel, le référent du système d’écriture, ou le corps vécu par des individus à un moment donné de l’histoire. C’est ce corps-là qui se révèle le plus difficile à reconstruire, au point que depuis l’évolution de l’histoire des mentalités vers une histoire des représentations2 , il est couramment admis que l’étude d’un objet ne peut être qu’une étude de ses représentations. Cela s’applique particulièrement à l’étude du corps dont seules les représentations semblent accessibles au chercheur en sciences humaines.
C’est dans ce passage du corps représenté au corps référent (et vice-versa) que réside le danger de l’interprétation, pour toutes les sciences humaines, un danger cependant nécessaire puisque c’est le prix à payer pour pouvoir dire quelque chose du corps. Le colloque s’attachera donc à la fois à penser la place du corps réel dans le système de représentation, l’organisation des formes de la représentation en fonction du corps et le statut du corps représenté : il s’agira de réfléchir à la relation entre le corps réel et ses formes symboliques, en soulignant les enjeux esthétiques, politiques et sociaux propres aux études sur le corps. Nous privilégierons les interventions donnant une place non négligeable à une théorisation des notions. Nous proposons ces quelques axes de réflexion, qui ne sont pas exhaustifs :
Les représentations du corps sont-elles une façon de discipliner le corps réel, une structure profondément politique où se joue un processus de « civilisation des mœurs » Norbert Elias,3 et donc un espace de création de normes ? Face à cette logique, la déstabilisation des systèmes de représentation (hybridité, écriture de la tératologie) opérée par les différents arts est-elle une façon de repenser le statut du corps ?
Si la représentation du corps relève d’une forme symbolique qui traduit un rapport général au monde, peut-on parler d’une spécificité de la représentation du corps ? On pourra s’interroger sur différents modes de représentation et sur leur incidence sur celle-ci. Le corps peut-il fonctionner comme un symbole, dont Goethe disait qu’il synthétise des éléments disparates tout en renvoyant à l’universel ? Le symbole permet-il de maintenir à la fois le référent et le système qui le dépasse ou liquide-t-il le corps réel au profit d’une structuration qui vise à le rendre totalement admissible ? Dans quel système de valeurs le réinstaure-t-il alors ? Dans cette même logique, on pourra s’intéresser au statut de la marque sur le corps. Toute marque sur la peau est toujours signe, et en tant que tel, promesse herméneutique, support d’une interprétation destinée à être mise en discours.
Enfin, on pourra s’interroger sur la violence que peut générer le passage – voire la coexistence – du corps référent au corps représenté, dans une société où, selon Baudrillard par exemple, le corps se réduit à un système de signes, à une marchandise parmi d’autres, au prix d’une violence fondamentale faite au corps réel4. L’utilisation par cet auteur, ou encore par Agamben5 , des modèles économiques ou psychanalytiques pour penser le corps réel ou le corps représenté (dans l’art par exemple) pourra être interrogée, ou réinvestie dans les communications. Enfin, la violence de la représentation pose le problème du corps du lecteur / spectateur et peut amener à repenser une théorie de la réception en fonction du corps.
Les propositions de communication sont à faire parvenir à l’adresse suivante : labocmdr@gmail.com avant le 15 janvier 2013, au format .doc. Les communications pourront être faites en français ou en anglais. Une courte notice biographique (nom, prénom, adresse mail, adresse, statut, discipline, institution, recherches en cours) précédera le titre de l’intervention et le résumé proposé qui n’excédera pas 500 mots. Le colloque, organisé par le laboratoire junior « Corps : Méthodes, Discours, et Représentations » se déroulera à l’ENS de Lyon du 16 au 18 octobre 2013. Le budget est en cours de réalisation et nous préciserons ultérieurement les possibilités de financement.
Research in human sciences has progressively focused on the body : art history, philosophy, sociology, history and literature has seized on it, examining it from two distinct perspectives. There are in fact two bodies. The first we can reach through systems of representation, art, of course, but also non-artistic sources : it relies on writing (lawsuits, private correspondence, etc.). This system of representation can be analysed through the Panofsky’s6 concept of symbolic form. The second body, on the other hand, is the real one, the writing system’s referent, the live body experienced by individuals as their own historically determined one. It is this one which is the most difficult to reconstruct. Indeed, the evolution of cultural and intellectual studies has limited the analysis of this body to the history of its representations alone7 . This is particularly true for studies of the human body, for researchers - especially as far as the human sciences are concerned - seem only to have access to representations. It is in the passage from the represented body to its referent (and vice-versa) that the danger of interpretation lies, at least for the human sciences. Nevertheless, this danger is also necessary, for it is the price we have to pay in order to say anything about the body. The purpose of our colloquium is to question the place of the real body within a system of representation. We are equally interested in the organisation of the forms of representation that concern the body, and the status of the represented body. We intend to investigate the relation between the real body and its symbolic forms, insisting on aesthetic, political, and social issues specific to studies of the body. We would particularly appreciate communications focusing on theory. Possible subjects might include the following :
Are representations a means to dominate over the real body, a deeply political structure where a process of “civilisation des moeurs”8 is at play ? Is the body no more than a space for creating norms ? Does the destabilization of systems of representation at work in so many of the arts (hybridism, teratology in writing, etc.), appear as a way to rethink the status of the body ?
If the representation of the body depends on a symbolic form that expresses a general relation to the world, can we say that the body is represented in a specific way ? Various modes of representation and their influence on the representation itself could be questioned. Can the body be considered as a symbol, along the lines of Goethe’s theorisation, that is, as a particular structure synthetizing various elements while simultaneously linked to the general ? Can the symbol maintain both the referent and the larger system that surrounds it, or does it obliterate the real body in order to render it entirely acceptable ? In which system of values is it then reintegrated ? Similarly, the status of the mark on the body can be examined. Every mark on the skin is a sign, and, as such, a hermeneutic promise, which allows an interpretation that has the potential to be transcribed discursively.
Finally, we would like to question the violence implied by the passage between the real body and the represented one – or their coexistence – in a society where, according to Baudrillard9 , for instance, body is reduced to a system of signs, becoming a marketable good at the cost of a fundamental violence against the real body. In like manner, Agamben’s10 use of economic or psychoanalytic models to rethink both the real and the represented body (in art, for example) may be challenged or integrated into papers. Finally, the violence of representation poses the problem of the body of the reader/spectator and allows us to rethink a theory of reception based on the body.
Researchers are invited to send their proposals to the following address : labocmdr@gmail.com before the 15th of January of 2013, in document format (.doc). In addition to an abstract (500 words max, including title of paper), the file should contain the following information : name, first name, address, e-mail address, status, discipline, institution, current research. Abstracts and communications may be in French or in English. The colloquium, organized by the junior laboratory “Corps : Méthodes, Discours et Représentations” will take place at the École Normale Supérieure de Lyon from the 17th to the 18th of October of 2013.
La forme symbolique pour Panofsky « désign[e] un mode de signification qui exprime et résulte d’une certaine façon d’appréhender le monde ». La reconstitution de la forme symbolique relève d’une historicisation des formes de la représentation. Cf. Audrey Rieber, « Le concept de forme symbolique dans l’iconologie d’E.Panofsky », Revue Appareil, Articles, Varia, 03/07/2012, URL : http://revues.mshparisnord.org/appa....
Nous renvoyons aux analyses de Roger Chartier dans son article « Le monde comme représentation », in Annales ESC 6 (1989).
La civilisation des mœurs, Paris, Calmann-Lévy, 1973.
Jean Baudrillard, L’échange symbolique et la mort, Gallimard, Bibliothèque des sciences humaines, Paris, 1976.
Giorgio Agamben, Stanze : paroles et fantasmes dans la culture occidentale, Payot & Rivages, coll. Rivages poche petite bibliothèque, Paris, 1998.
For Panofsky, the symbolic form is a mode that expresses a particular vision of the world while being conditioned by this vision. The reconstitution of a symbolic form depends on a historicization of the forms of representation. Cf. Audrey Rieber, « Le concept de forme symbolique dans l’iconologie d’E.Panofsky », Revue Appareil, Articles, Varia, 03/07/2012, URL : http://revues.mshparisnord.org/appa...
See the analyses of Roger Chartier in his article « Le monde comme représentation », in Annales ESC 6 (1989).
Norbert Elias, La civilisation des mœurs, Paris, Calmann-Lévy, 1973
Jean Baudrillard, L’échange symbolique et la mort, Gallimard, Bibliothèque des sciences humaines, Paris, 1976.
Giorgio Agamben, Stanze : paroles et fantasmes dans la culture occidentale, Payot & Rivages, coll. Rivages poche petite bibliothèque, Paris, 1998.