CMDR - Corps : Méthodes,  Discours, Représentations
 

« Entre quête de la beauté et mépris de la chair : le corps féminin au carrefour de normes contradictoires (Péninsule Ibérique, XIVe-XVIe siècles) »

Introduction

« vir est pro animo, mulier pro cor­pore  » : c’est ainsi que Juan Luis Vives décrit, dans l’Institutione foe­mi­nae chris­tia­nae (1524), la rela­tion hié­rar­chi­que qui doit s’établir entre le mari et l’épouse dans le mariage. Au-delà de l’image, les mots révè­lent le lien pro­fond qui unit la nature fémi­nine à sa dimen­sion cor­po­relle. Objet de dis­cours mul­ti­ples et contra­dic­toi­res, la femme de la fin du Moyen Âge et du début de la Renaissance semble tou­jours obli­gée d’effec­tuer un choix dou­lou­reux entre la vie mon­daine, ses fards et ses atours et la vie contem­pla­tive et son ‘renon­ce­ment au corps’, et, in fine, entre dam­na­tion et salut à tra­vers l’usage qu’elle fait de son corps. Mais résu­mer l’expé­rience du corps fémi­nin à ces deux extrê­mes serait sim­pli­fier exces­si­ve­ment, non seu­le­ment la pra­ti­que, mais les textes didac­ti­ques eux-mêmes, qui lais­sent entre­voir, à tra­vers la contrainte de la norme, les nom­breu­ses rela­tions qui lient la femme à son corps et au corps des autres.

Cependant, les textes nor­ma­tifs ne visent pas à décrire une situa­tion mais à la réfor­mer pour attein­dre un état qu’on estime meilleur. Ils ont donc, fon­da­men­ta­le­ment, une dimen­sion éducative, et on peut s’inter­ro­ger sur la place impor­tante accor­dée au corps dans l’éducation dis­pen­sée aux femmes, comme si, pour former celles-ci, il fal­lait autant culti­ver leur esprit que mode­ler leur corps. Dès lors, soumis à de mul­ti­ples injonc­tions, le corps fémi­nin peut-il être « normal » ?

Modeler le corps fémi­nin, cela peut signi­fier d’abord en trans­for­mer l’appa­rence par des cos­mé­ti­ques ou lui redon­ner sa pre­mière forme par des remè­des : la femme inter­vient donc sur le corps des autres et sur le sien, acqué­rant par­fois une dan­ge­reuse auto­no­mie. Car le corps fémi­nin a également une dimen­sion sociale, et doit donc affi­cher cer­tai­nes carac­té­ris­ti­ques pour être socia­le­ment accep­ta­ble, la chas­teté étant la pre­mière d’entre elles. Cette vertu, qui impli­que le res­pect d’une cer­taine morale sexuelle, a également une dimen­sion spi­ri­tuelle. Ainsi, la per­fec­tion morale au fémi­nin ayant des impli­ca­tions cor­po­rel­les, le corps peut deve­nir le moyen d’une élévation spi­ri­tuelle.

I. Prendre soin du corps : du bouillon de poule au fard à joue.

L’expres­sion fran­çaise « remède de bonne femme » ou « de bonne fame » est en soit fort par­lante quant au rôle que les femmes ont joué dans le passé en matière de méde­cine : que la forme « fame », du latin « fama » se soit ensuite confon­due avec l’homo­nyme « femme » ou que ce der­nier terme ait été celui qui figu­rait dans l’expres­sion dès son ori­gine, celle-ci n’en reste pas moins por­teuse du sou­ve­nir d’une pra­ti­que médi­cale fémi­nine d’abord appré­ciée pour son effi­ca­cité, puis tombée en désué­tude avant d’être moquée. Ainsi, dans un monde médié­val où les méde­cins étaient rares, les mères, épouses, sœurs et filles, bien qu’exclues de l’uni­ver­sité, étaient sou­vent le pre­mier, voire le seul recours en cas de pro­blème de santé, fut-il majeur. Détentrices d’un savoir phar­ma­ceu­ti­que trans­mis bien sou­vent par des canaux exclu­si­ve­ment fémi­nins, elles pré­pa­raient indif­fé­rem­ment remè­des mira­cu­leux et petits plats réconfor­tants.

A. Les femmes et le corps des autres : cuisinière et médecin de famille.

Les « récep­tai­res » regrou­pent ainsi indif­fé­rem­ment pré­pa­ra­tions phar­ma­ceu­ti­ques et pré­pa­ra­tions culi­nai­res, tant on était convaincu, depuis le XIIe siècle, de l’impor­tance de la dié­tié­ti­que pour une santé flo­ris­sante : le Manual de muge­res en el que se contie­nen muchas y diver­sas receu­tas muy buenas (1475-1525), par exem­ple, contient, entre les for­mu­les d’antal­gi­ques et de toni­ques car­dia­ques, 29 recet­tes de cui­sine, dont une « receuta para hazer buñue­los1 ». Soigner ceux qui vivent sous son toit fait partie des attri­bu­tions de la maî­tresse de maison, qui n’est nul­le­ment consi­dé­rée comme un méde­cin de seconde zone, comme l’indi­quent des for­mu­les comme « y dad desta agua al que estu­viere enfermo y sanará » (ibid., p. 43) et « echa­réis un tris­tel d’ello al paciente y sanará », (ibid., p. 55) Deux choses sont à remar­quer dans ces expres­sions : d’une part, le rôle actif de la femme, qui n’est pas celle qui reçoit les remè­des (comme cela peut être le cas dans d’autres ouvra­ges), mais bien celle qui les admi­nis­tre. D’autre part, l’emploi d’un terme comme « paciente » sug­gère que la femme est, dans ce cas, consi­dé­rée comme un véri­ta­ble méde­cin. Les temps et modes ver­baux employés dans ces for­mu­les sont également révé­la­teurs de la pers­pec­tive for­ma­trice qui guide l’écriture du manuel et de l’effi­ca­cité que l’on sup­pose aux remè­des pro­po­sés : le verbe « sanar » au futur simple ne laisse aucun doute quant à l’issue favo­ra­ble du trai­te­ment.

Si les « récep­tai­res » peu­vent conte­nir un savoir issu de sour­ces très diver­ses et inclure notam­ment des recet­tes liées à la tra­di­tion popu­laire, il ne doi­vent pas être consi­dé­rés comme des gri­moi­res de sor­ciè­res. Au contraire, ces livres étaient uti­li­sés par les dames des clas­ses les plus hautes, c’est-à-dire celles qui savaient lire mais qui, étant coupée de la tra­di­tion popu­laire du fait de leur statut social ne pou­vaient avoir accès à ces savoirs phar­ma­ceu­ti­ques par la trans­mis­sion orale. Les reines et prin­ces­ses elles-mêmes n’étaient pas exemp­tées de ces pra­ti­ques : en effet, la reine Isabelle la Catholique avait dans sa biblio­thè­que un livre inti­tulé Remedio contra las cosas beni­no­sas2, et Juan Luis Vives, dans l’Institutione foe­mi­nae chris­tia­nae, dont la pre­mière des­ti­na­taire est Marie Tudor, incite toutes les jeunes filles à se mettre à la cui­sine et réprouve celles qui, par peur de se salir les mains, dédai­gnent cet art qui peut être si béné­fi­que pour la santé de leurs parents et de leur futur mari3. Contrairement à ce que l’on pour­rait croire, la pra­ti­que médi­cale fémi­nine n’est donc pas « hors normes », du moins à la fin du Moyen Âge : elle est au contraire par­fai­te­ment admise comme fonc­tion domes­ti­que et sociale. Les soins du corps sont ainsi majo­ri­tai­re­ment assu­rés par des femmes, et de façon pres­que exclu­sive quand les mala­des sont, elles aussi, des femmes.

B. Les femmes et le corps féminin : gynécologie et obstétrique.

Le corps fémi­nin est long­temps resté un mys­tère pour les hommes, notam­ment en ce qui concer­nait les orga­nes liés à la repro­duc­tion. Ceux-ci étaient en effet inter­pré­tés à l’aune des orga­nes mas­cu­lins, et c’est cette vision des choses que l’on retrouve dans la des­crip­tion de l’utérus donnée par Damián Carbón dans son Libro del arte de las coma­dres o madri­nas y del regi­miento de las preña­das y pari­das y de los niños (1541). Il s’agit en effet pour lui d’un organe qua­dran­gu­laire relié aux seins par des veines et des nerfs et com­posé de 7 mai­sons ou loge­ments, se ter­mi­nant par deux bour­ses qui contien­nent la semence, comme les tes­ti­cu­les chez l’homme4. Rien d’étonnant donc à ce que dans cet ouvrage publié à Majorque en 1541, il affirme que ce qui touche aux orga­nes repro­duc­teurs fémi­nins et à la gros­sesse ne concerne que les femmes et que cette connais­sance ne convient pas aux hommes (p. 19). Il faut cepen­dant donner une for­ma­tion cor­recte à la sage femme, et c’est ce que l’auteur se pro­pose de faire dans son ouvrage qui paraît à une époque où les hommes com­men­cent pré­ci­sé­ment à s’inté­res­ser aux domai­nes dont ils étaient aupa­ra­vant exclus. Il est d’ailleurs inté­res­sant de remar­quer qu’en cas de dif­fi­cultés, les com­mè­res sont inci­tées à faire appel au méde­cin : « Y por ser cosas difi­culto­sas de conos­cer, para dar el tal conos­ci­miento sera bueno y pro­ve­choso llamar el doctor por bien aconse­jar »5. Au cours du XVIe siècle, on assiste donc à un chan­ge­ment de para­digme : alors que, tout au long du Moyen Âge, la norme était que les pro­blè­mes liés à la gyné­co­lo­gie et à l’obs­té­tri­que fus­sent gérés exclu­si­ve­ment par des femmes, l’Époque Moderne verra ces savoirs tomber peu à peu dans le domaine mas­cu­lin.

Mais, au-delà de ce qui touche à la méde­cine, la science des femmes en ce qui concerne le corps fémi­nin a également des appli­ca­tions plus licen­cieu­ses. Ainsi, dans les Flores del tesoro de la bel­leza, Tratado de muchas medi­ci­nas o curio­si­da­des de las muje­res (fin du XIVe s) sont pro­po­sées plu­sieurs recet­tes pour res­ser­rer le vagin afin d’aug­men­ter le plai­sir des amants ou pour refaire une vir­gi­nité, comme ce mélange de mastic ou d’encens et de vin qui conver­tira la patiente « casi en virgen »6. Le tra­vail des femmes sur le corps fémi­nin se situe donc par­fois à la fron­tière de la norme : la trans­gres­sion n’est jamais loin, qu’il s’agisse de sexua­lité ou de cos­mé­ti­que.

C. Les femmes et leur corps : à la recherche de la beauté idéale.

Si les récep­tai­res mêlent à l’envi recet­tes de cui­sine et pré­pa­ra­tions phar­ma­ceu­ti­ques, les recet­tes de cos­mé­ti­ques ne man­quent pas, bien au contraire. À tra­vers l’emploi de pro­duits divers et variés, allant du khôl aux tein­tu­res capil­lai­res des­ti­nées à obte­nir le blond à la mode chez les élites chré­tien­nes d’alors (les mau­res­ques cher­chant au contraire à obte­nir un noir par­fait), les femmes ten­tent de se confor­mer à une cer­taine norme : celle de l’idéal de beauté de l’époque. Mais fai­sant cela, elles encou­rent l’ire des mora­lis­tes, qui leur repro­chent, comme le fai­sait déjà Tertullien dans le De cultu femi­na­rum, de trans­for­mer l’œuvre de Dieu en modi­fiant leur appa­rence et, ce fai­sant, d’insul­ter le Créateur7 : obéis­sant à une norme, elles en trans­gres­sent une autre. Mais les cos­mé­ti­ques ne sont pas les seuls arti­fi­ces par les­quels les femmes cher­chent à modi­fier leur appa­rence pour cor­res­pon­dre aux canons de beauté de l’époque : les vête­ments et autres acces­soi­res four­nis­sent également du grain à moudre aux pour­fen­deurs de la coquet­te­rie fémi­nine. C’est le cas, par exem­ple, des ver­tu­ga­dins contre les­quels s’insurge Hernando de Talavera dans son Tratado sobre el vestir, calzar, comer y beber, cha­pi­tre 22 : « en lugar de las hazer her­mo­sas y bien pro­por­cio­na­dos (sic) háze­las feas, mos­truo­sas y muy defor­ma­das, ca dexan de pare­cer muge­res y pare­cen can­pa­nas »8. Dès lors, déformé par les cou­ches de tissu et déguisé sous les fards, le corps fémi­nin devient ‘hors-normes’ au point de res­sem­bler à une cloche. Ce corps attifé est ainsi tout l’opposé de celui que les tenants de la morale domi­nante et les esprits reli­gieux cher­chent à former : celui de la femme ver­tueuse, qui n’est pas non plus un corps natu­rel, mais un corps sévè­re­ment dis­ci­pliné et soumis à des normes bien défi­nies.

II. Maîtriser le corps : l’incorporation de la vertu.

La femme idéale des mora­lis­tes doit en effet être l’incar­na­tion de la vertu qui doit entiè­re­ment impré­gner son corps. De même que la vir­gi­nité n’est pas qu’une ques­tion cor­po­relle, mais a aussi des impli­ca­tions spi­ri­tuel­les, la vertu n’est pas qu’une ques­tion de carac­tère ou de com­por­te­ment et doit être, en quel­que sorte, incor­po­rée. Il s’agit là d’une idée-force qui struc­ture toute la concep­tion du corps fémi­nin dans la pensée chré­tienne, puisqu’elle et déjà pré­sente chez Tertullien : selon lui, la chas­teté n’est pas liée qu’à l’inté­grité du corps, mais doit se mani­fes­ter à l’exté­rieur, par un cer­tain usage du corps et de ses paru­res9.

A. Discipliner son corps pour incarner l’épouse vertueuse.

Ce qui fait, en effet, la spé­ci­fi­cité du corps fémi­nin au-delà de sa « fai­blesse natu­relle », c’est qu’il doit démon­trer la vertu de l’âme qui l’habite, et, notam­ment, sa chas­teté. L’hon­neur est le bien le plus pré­cieux d’une femme, mais il ne suffit pas d’être irré­pro­cha­ble : il faut aussi (et sur­tout) donner l’image d’une épouse irré­pro­cha­ble, mani­fes­ter sa chas­teté et sa vertu par son corps. De façon assez signi­fi­ca­tive, le Livro das três ver­tu­des (milieu du XVe s.), tra­duc­tion por­tu­gaise du Livre des Trois Vertus de Christine de Pizan (1405), com­pare la bonne répu­ta­tion à un parfum agréa­ble exhalé par le corps : « E tal é a booa nomeada na persoa como um corpo de que, se pos­si­vel fosse, saisse bom odor e res­pran­de­cesse per todo o mundo, assi que todos o sen­tis­sem »10, alors qu’au contraire, les femmes qui se lais­sent aller à leur ten­dance natu­relle et choi­sis­sent des maris bes­tiaux, réac­tua­li­sant l’union de Pasiphaé et du Taureau sont, selon Juan Luis Vives dans l’Institutione foe­mi­nae chris­tia­nae, des « corps puants » (« olida mor­ti­cina »)11. Ces deux images indi­quent donc clai­re­ment que la bonne répu­ta­tion, c’est-à-dire l’hon­neur dans sa dimen­sion sociale doit, en quel­que-sorte, être exhalé par le corps.

Bien entendu, l’odeur d’hon­nê­teté ne doit pas être obte­nue par des par­fums arti­fi­ciels : elle passe avant tout par l’adop­tion d’un cer­tain nombre d’atti­tu­des et de com­por­te­ments dont la plu­part sont liés au corps. Dans les Castigos y doc­tri­nas que un sabio daba a sus hijas, l’auteur consa­cre un long cha­pi­tre à la ques­tion de l’“ones­ti­dad” et aux mesu­res à adop­ter pour la pré­ser­ver : sortir peu, ne pas fré­quen­ter les femmes de mau­vaise vie et les hommes dans leur ensem­ble, ne pas appa­raî­tre à sa fenê­tre. Si toutes ces mesu­res impli­quent un cer­tain usage du corps, cer­tai­nes le concer­nent plus direc­te­ment : l’épouse hon­nête doit s’habiller sobre­ment, en confor­mité avec les moyens finan­ciers de son mari, et elle ne doit guère uti­li­ser de pro­duits cos­mé­ti­ques. Faut-il pour autant affi­cher une ver­tueuse mal­pro­preté ? Non, car l’auteur pré­cise : « No por eso, hijas, loo las que con nigli­gen­çia o pereza dexan de curar de sí, en manera que mas parezca floxe­dat que no virtud. Mas los afey­tes de que nues­tro Señor se paga, es que ande­des lim­pias y vos laue­des con buenas aguas, porque no desa­gays su ymagen12 ». Ainsi, il faut pren­dre soin du corps en tant qu’oeuvre du Créateur sans en trans­for­mer les traits par des cos­mé­ti­ques, mais également modé­rer sa prise de nour­ri­ture13 et dormir peu. Il n’appar­tient cepen­dant pas à l’épouse de faire preuve d’un excès d’ascé­tisme : elle a aban­donné la pro­priété de son corps à son mari, et ne peut en faire usage libre­ment, par exem­ple pour pra­ti­quer l’abs­ti­nence14. Le corps de la vierge, au contraire, est demeuré inviolé : vase par­ti­cu­liè­re­ment fra­gile, il convient de l’entou­rer d’une bar­rière de normes en tous genres.

B. Le corps de la vierge : un vase particulièrement fragile.

Le terme de « vierge » peut, à l’époque qui nous inté­resse, avoir plu­sieurs signi­fi­ca­tions : il dési­gne, bien sûr, un état phy­si­que, mais aussi un état mental et spi­ri­tuel (nous y revien­drons) et un âge de la vie, dans la mesure où est appe­lée « vierge » toute jeune fille avant d’être mariée. Ainsi, l’Institutione foe­mi­nae chris­tia­nae de Vives est divi­sée en trois livres : De vir­gi­ni­bus, De coniu­gio et De viduis. Or, dans cet ouvrage, l’impo­si­tion de normes tou­chant au corps inter­vient très tôt, et cons­ti­tue le sujet des pre­miers ensei­gne­ments dis­pen­sés à la petite fille : le corps et natu­rel­le­ment enclin au mal, lui dit-on (« Natura humani cor­po­ris pro­ti­nus ab sua ori­gine pro­cli­vis est ab fla­gi­tia »), le plai­sir phy­si­que est vain et les atours sont des choses par­fai­te­ment tri­via­les15.

Cependant, si l’enfant peut être éduquée à la vir­gi­nité, qui est autant une chose du corps qu’une chose de l’esprit (« inte­gri­ta­tem mentis, quae etiam in corpus dima­net »16), l’ado­les­cence reste un moment cri­ti­que, et c’est pour la jeune fille que les normes appli­quées au corps se font les plus sévè­res : étant par­ti­cu­liè­re­ment encline à la luxure, elle doit s’abs­te­nir de voir, d’enten­dre et même d’ima­gi­ner toute chose ayant rap­port à ce péché ; elle doit jeûner régu­liè­re­ment, non pour affai­blir le corps, mais pour éteindre les feux de la jeu­nesse17 ; elle doit dormir peu, dans un lit au confort spar­tiate ; enfin, mais le contraire eut été étonnant, elle doit s’abs­te­nir de tout maquillage (tout en fai­sant preuve de l’hygiène la plus élémentaire) et de tout raf­fi­ne­ment ves­ti­men­taire. Le corps de la vierge doit en effet être caché, afin d’être pré­servé des regards mas­cu­lins : les sor­ties doi­vent donc être limi­tées et, lorsqu’elles ont lieu, toute par­celle de chair doit être cou­verte, du cou aux mains en pas­sant par la poi­trine et les épaules. Mais cela ne suffit pas, et il faut contrô­ler sa démar­che (qui ne doit être ni trop rapide, ni trop lente), ses regards (la vierge doit garder les yeux bais­sés, voire cachés, n’en décou­vrant qu’un pour voir le chemin), ses rires, etc. En somme la vierge doit aban­don­ner toute spon­ta­néité, et, si son corps doit être cons­tam­ment pré­sent à son esprit, puisqu’elle doit sans cesse en maî­tri­ser les mani­fes­ta­tions, il doit para­doxa­le­ment deve­nir invi­si­ble, imma­té­riel, se déro­bant à tous les regards et à toute ten­ta­tive de contact. Ce qui est vrai pour celle qui n’est vierge que de façon tem­po­raire l’est également, voire plus encore, pour celles qui ont fait vœu de chas­teté afin d’être épouses du Christ. À elles revient la dure mis­sion d’être, sur cette terre, sem­bla­bles aux anges.

III. Sanctifier le corps : du renoncement à la transcendance.

A. Le corps de la religieuse à travers la Suma y breve compilación de Hernando de Talavera.

Des anges des­cen­dus sur terre : voilà com­ment Hernando de Talavera, prélat influent et réfor­ma­teur de la fin du XVe siècle cas­tillan défi­nit les reli­gieu­ses dans le 4e cha­pi­tre de sa Suma y breve com­pi­la­ción18. Êtres spi­ri­tuels, les anges n’ont pas de sexe mais ont-ils un corps ? Pour les étrangers au monas­tère, en tout cas, il serait bon que la reli­gieuse n’en ait pas, et Talavera recom­mande à ses des­ti­na­tai­res de pren­dre exem­ple sur les cla­ris­ses et de se cou­vrir entiè­re­ment le visage à chaque ren­contre (ch. 11, p. 37). Invisible, le corps de la nonne est aussi insen­si­ble - du moins ses sens doi­vent-ils être endor­mis (il faut ainsi éviter de les flat­ter par des chan­sons pro­fa­nes, du bon vin et des mets salés, ou encore un lit confor­ta­ble) - et doit subir les mor­ti­fi­ca­tions de la dis­ci­pline et du jeûne au pain et à l’eau. Mais cela va même plus loin, dans la mesure où Talavera inter­dit aux reli­gieu­ses de se regar­der dans un miroir afin d’éviter toute ten­ta­tion luxu­rieuse (ch. 12, p. 38 : « nunca vos mirar a espejo »). Si les per­son­nes exté­rieu­res au monas­tère ne doi­vent pas voir le corps des pen­sion­nai­res, celles-ci doi­vent également en igno­rer l’exis­tence : invi­si­ble et insen­si­ble, il devient impos­si­ble de s’iden­ti­fier à lui.

Que se passe-t-il, dès lors, quand, par la mala­die, le corps se rap­pelle au sou­ve­nir de celle qui avait tout fait pour l’oublier ? De façon, semble-il, para­doxale avec ce qu’il vient d’énoncer, l’auteur conseille à l’abbesse d’être très atten­tive au confort dont dis­po­sent les mala­des à l’infir­me­rie : on retrouve donc, même ici, l’équilibre (ou la ten­sion) entre le désir de mor­ti­fier le corps jusqu’à pou­voir s’en abs­traire et la néces­sité d’en pren­dre soin comme œuvre du Créateur. Cependant, le zèle des reli­gieu­ses ne doit pas se lais­ser amoin­drir par les lits douillets et les mets déli­cats : l’abbesse doit veiller à ce que « no enfer­men y mueran las almas […] allí do van a gua­re­cer y sanar los cuer­pos ». Dans une pers­pec­tive qui reste, malgré tout, dua­liste, le corps est un obs­ta­cle à l’élévation de l’âme. Est-il pos­si­ble de le « spi­ri­tua­li­ser », d’en faire un ins­tru­ment de prière ?

B. Le corps comme instrument d’élévation : prière et contemplation.

Faire du corps l’outil d’un accès à la trans­cen­dance est un moyen de dépas­ser l’aporie sur laquelle débou­che toute ten­ta­tive d’igno­rer le corps. Cela requiert tou­te­fois une dis­ci­pline, et l’adop­tion de cer­tains com­por­te­ments lors des actes reli­gieux. Dans le Carro de las donas (Valladolid, 1542), la confes­sion impli­que un cer­tain usage du corps : si l’homme et la femme doi­vent se cou­vrir la tête, cette der­nière est également tenue de voiler entiè­re­ment son corps, à l’excep­tion de sa bouche qui doit être tour­née vers le profil du confes­seur, et non pas face à lui19. Mais c’est dans le Libro de las Historias de Nuestra Señora de Juan López de Salamanca que l’on trouve l’énumération la plus pré­cise des dif­fé­ren­tes pos­tu­res sus­cep­ti­bles d’expri­mer phy­si­que­ment la prière20 : l’orante peut ainsi adop­ter de mul­ti­ples atti­tu­des, effec­tuer de mul­ti­ples mou­ve­ments (s’age­nouiller, se frap­per la poi­trine, s’allon­ger sur le sol les bras en croix) afin d’expri­mer la fer­veur qui l’habite. Cependant, cha­cune de ces pos­tu­res cor­res­pond à un usage bien par­ti­cu­lier, et quand la des­ti­na­taire du traité demande celle qu’elle doit adop­ter en tant que jeune femme noble, son inter­lo­cu­trice, qui n’est autre que la sainte Vierge, lui répond en ces termes : « este modo mixto o mez­clado de orar : poner las rodillas en tierra, las manos juntas delante tus pechos, la cabeça levada con ojos al çielo ». Ainsi, le corps fémi­nin en prière est, lui aussi, nor­ma­lisé, dans une pos­ture qui semble vou­loir expri­mer la plus grande dévo­tion tout en évitant des mani­fes­ta­tions cor­po­rel­les spec­ta­cu­lai­res. Au contraire, dans le Fasciculus Myrrhe, opus­cule de 1511 dans lequel le récit détaillé de la Passion devient le sup­port d’une contem­pla­tion quasi-mys­ti­que, le corps acquiert une impor­tance fon­da­men­tale, dans la mesure où il permet de res­sen­tir toutes les émotions sus­ci­tées par le récit : l’auteur ne cesse d’en appe­ler aux larmes du lec­teur qui doit sou­hai­ter ins­crire « en mis entrañas [la] memo­ria de Vuestra sagrada Passión21 ». Dès lors, le corps du fidèle et, en l’occur­rence, plus par­ti­cu­liè­re­ment, celui d’Ana de Cardona, la dédi­ca­taire du traité, lui permet de se rap­pro­cher des per­son­nes divi­nes en par­ta­geant leurs émotions et leurs souf­fran­ces. Loin du corps éthéré des reli­gieu­ses, ou du corps dis­ci­pliné de la femme en prière, le corps de la contem­pla­tive s’exprime ici inten­sé­ment, fai­sant fis de ceux qui cher­chent à contrain­dre l’expres­sion des sen­ti­ments dans les normes de la bien­séance. Cependant, si l’agi­ta­tion émotionnelle pro­vo­quée par la com­pas­sion envers les souf­fran­ces du Christ et de la Vierge permet de « sanc­ti­fier » le corps, il n’en reste pas moins un corps plei­ne­ment humain qui se réap­pro­prie les souf­fran­ces subies par les per­son­nes sain­tes du fait de leur incar­na­tion22. Mais le corps de la Vierge ne peut pas être un corps tout à fait comme les autres : corps fémi­nin idéal, il est cepen­dant fon­da­men­ta­le­ment ‘hors-normes’.

C. Le corps de la Vierge : la beauté idéale.

Quand il n’est pas habité par des émotions toutes humai­nes, le corps de la Vierge devient un paran­gon de beauté et d’har­mo­nie, du moins tel qu’il est décrit dans le Libro de las Historias de Nuestra Señora. Prenant pour modèle les por­traits fémi­nins dres­sés dans la lit­té­ra­ture cour­toise, l’auteur fait celui de la sainte Vierge en pro­gres­sant de haut en bas, n’hési­tant pas à évoquer ses seins, son ventre ou ses pieds, éléments éminemment érotiques. Tout est sanc­ti­fié et spi­ri­tua­lisé dans cette des­crip­tion, y com­pris les cos­mé­ti­ques : s’il va de soi que la Vierge ne se far­dait pas, ses yeux regar­dent les peines infer­na­les avec un khôl de puis­sante misé­ri­corde (cha­pi­tre 47, p. 87), ce qui ne l’empê­che pas de cri­ti­quer ensuite les femmes qui font usage de tein­tu­res pour blon­dir leurs che­veux (cha­pi­tre 51, p. 91). Mais tous les éléments du corps vir­gi­nal, s’ils sont la per­fec­tion même, sont aussi des sym­bo­les. Ainsi, si l’on peut être sur­pris par le fait que la Vierge ait les che­veux noirs quand l’idéal de beauté de l’époque com­man­dait qu’ils fus­sent blonds, cela est jus­ti­fié par l’asso­cia­tion du noir et de l’humi­lité. Mais où le corps de la Vierge devient vrai­ment ‘hors-normes’, c’est bien dans le fonc­tion­ne­ment de ses entrailles : puisqu’il était des­tiné à héber­ger Dieu, il devait donc être dépourvu d’humeurs, non seu­le­ment au niveau spi­ri­tuel, mais même encore au niveau cor­po­rel (cha­pi­tre 57, p. 102). Ainsi, il n’a jamais connu la mens­trua­tion : « ¿cómo puedes creer que podiesse mi vien­tre, en pre­sen­cia de Dios mesmo, tales humo­res aver ni aquel­los que consi­guen a la luna de cada mes ? ». Le corps de la Vierge échappe donc aux normes assi­gnées au corps fémi­nin, y com­pris aux plus natu­rel­les d’entre elles.

Conclusion

Les mens­trues ont une impor­tance fon­da­men­tale dans le lien qui s’établit entre fémi­nité et cor­po­réité : leur cycle rap­pelle la femme à sa fonc­tion repro­duc­trice, à son rôle de mère qui s’étend à tous les mem­bres du foyer dont elle doit pren­dre soin. Être femme à la fin du Moyen Âge et au début de la Renaissance, c’est donc, avant tout, être un corps fémi­nin que de mul­ti­ples dis­cours nor­ma­tifs cher­chent à contrô­ler et à mode­ler. Cependant, la mul­ti­pli­cité même de ces dis­cours fait qu’il est très dif­fi­cile d’être ‘dans la norme’, dans la mesure où, en obéis­sant à une règle, on en trans­gresse une autre. Le corps fémi­nin serait donc irré­mé­dia­ble­ment ‘hors-normes’, et la femme condam­née à ne jamais être par­fai­te­ment ‘nor­male’. Ainsi, si la Vierge incarne la per­fec­tion sur le plan spi­ri­tuel, il serait logi­que que son corps incar­nât cette même per­fec­tion sur le plan phy­si­que et esthé­ti­que. Or, il est impos­si­ble à de sim­ples mor­tel­les de res­sem­bler phy­si­que­ment à la Vierge, puis­que son corps est ‘sur-natu­rel’, dans la mesure où il ne connaît pas le cycle mens­truel. Le corps fémi­nin idéal est donc pro­fon­dé­ment ‘hors-norme’, tout comme l’étaient peut-être, pour les pen­seurs de l’époque, les corps pour­tant bien réels des femmes médié­va­les.

Cécile Codet

Bibliographie

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Manual de mugeres en el qual se contienen muchas y diversas reçeutas muy buenas, Alicia Martínez Crespo (éd.), coll° « Textos recuperados », Salamanque : Ediciones Universidad de Salamanca, 1995, p. 59.

Ruiz García, Elisa, Los libros de Isabel la Católica. Arqueología de un patrimonio escrito, Salamanque : Instituto del libro y de la lectura, 2004, p. 111.

Vives, Juan Luis, Institutione foeminae christianae, in Opera omnia, Valence : frères Mayans et Siscar, 1782-1790, livre I, chapitre 3, p. 76.

Carbón, Damián, Libro del arte de las comadres o madrinas y del regimiento de las preñadas y paridas y de los niños, Daniel García Gutiérez (éd.), Saragosse : ANUBAR ediciones, 2000, p. 24.

Ibid., p. 83.

Calatayud, Manuel Dies de, Flores del tesoro de la belleza, Tratado de muchas medicinas o curiosidades de las mujeres, Manuscrito n° 68 de la Bib. Un. de Barcelona, Folios 151 a 170, María Teresa Vinyoles (intr.), Josefina Roma (prol) et Oriol Comas (trad.), Palma de Majorque : José J. de Olañeta, 1993, p.31.

Tertullien, De cultu feminarum/La toilette des femmes, Marie Turcan (éd.), Paris : Éditions du Cerf, 1971, p. 111.

Castro, Teresa de (éd), “El tratado sobre el vestir, calzar y comer del arzobispo Hernando de Talavera”, Revista Espacio, Tiempo, Forma, Serie III, Historia Medieval, 14, 2001, pp. 11-92, chapitre 22.

Tertullien, op. cit., p. 94.

Pizan, Christine de, O livro das Tres Vertudes a Insinança das Damas, Maria de Lourdes Crispim (éd.), Lisbonne : Caminho, 2002, p. 116.

Vives, Juan Luis, op. cit. p. 165.

Castigos y doctrinas que un sabio daba a sus hijas, [basée sur le ms. a-V-5 de la Bibliothèque de l’Escurial], Rafael Herrera Guillén (éd.), Murcie : Biblioteca Saavedra Fajardo, 2005, p.15.

Ibid., p. 20.

Vives, Juan Luis, op. cit., p. 180 : « ne ad bonum quidem continentiae jus habet in corpus suum femina ».

Ibid., l. I, ch. 4 (De doctrina puellarum), p. 77.

Ibid., l. 1, ch. 6 (De virginitate), p. 90.

Dans le chapitre « De quomodo virgo corpus tractabit » (I, 7), Vives donne même des conseils plus précis : la jeune fille vierge doit éviter le vin, les mets raffinés, trop épicés ou les nourritures trop « chaudes » comme la viande.

Codet, Cécile, “Edición de la Suma y breve compilación de cómo han de vivir y conversar las religiosas de Sant Bernardo que viven en los monasterios de la cibdad de Ávila de Hernando de Talavera (Biblioteca del Escorial, ms. A.IV-29)”, Memorabilia, 14, 2012, p. 1-57 : “[Dios] vos hizo dignas de la compañía y choros y sillas de los ángeles en el çielo, y así vos dio officio de ángeles en este suelo”, p. 28.

Claussel Nacher, Carmen. Carro de las donas (Valladolid, 1542) : estudio preliminar y edición anotada. [En ligne]. Université autonome de Barcelone, 2004. 3 volumes. Consulté le 10 avril 2013. Url : , l. IV, ch. 157.

López de Salamanca, Juan, Libro de las historias de Nuestra Señora, Arturo Jiménez Moreno (ed), San Millán de la Cogolla : CiLengua, 2009, p. 384-385.

Fasciculus myrrhe, el qual trata de la Pasión de Nuestro Redemptor Jesucristo, Salamanque : Juan de Varela, 1524 (Madrid : Bibliothèque nationale d’Espagne, R/10946), ch. 25, f. 82r.

Il convient de distinguer ici le corps de la Vierge tel qu’il est présenté dans le Fasciculus Myrrhe, corps éminemment humain sujet à de fortes émotions et à des souffrances physiques, du corps de la Vierge décrit dans le Libro de las Historias de Nuestra Señora : il s’agit alors d’un corps idéal, dont l’humanité ne connaît d’autre manifestation que l’anthropomorphisme.