« SCIENCES ET PHILOSOPHIE »
JEUDI 22 MARS 2012
« Dire qu’il est toujours près de moi, toujours là pour moi, c’est dire que jamais il n’est vraiment devant moi, que je ne peux pas le déployer sous mon regard, qu’il demeure en marge de toutes les perceptions, qu’il est avec moi. »
Maurice Merleau-Ponthy, Phénoménologie de la perception, Paris, Gallimard, 1976, p. 106.
La première journée d’étude du laboratoire junior « Corps : Méthodes, Discours, Représentations », intitulée « Sciences et philosophie » s’est tenue le 22 mars 2012 à l’ENS de Lyon. Elle s’inscrit dans une première série de journées destinées à proposer et poser les jalons théoriques d’une réflexion sur le corps, objet de regards croisés, qui tantôt se contredisent, tantôt se complètent, souvent se nourrissent les uns des autres pour construire un savoir corporel.
Nous avons en effet choisi de nous interroger sur le rapport le plus immédiat et le plus évident que nous pouvons avoir au corps, son expérience et sa perception : perception de son propre corps par un sujet ou perception du corps par le regard de l’autre. En ce sens, l’analyse phénoménologique – s’intéressant de près aux concepts de sujet percevant et de sujet perçu - s’inscrit idéalement dans le cadre de cette première réflexion qui permettra ainsi de proposer une première conceptualisation de l’objet que constitue le « corps ».
La réflexion mettra ainsi en jeu l’articulation entre deux concepts, le corps et l’expérience. Le corps ou plutôt le corps humain peut se définir comme un corps propre car il est relié à une subjectivité : il constitue le point de vue immédiat du sujet sur le monde, origine radicale au point zéro de la perception. De plus, ce n’est pas seulement une chose ni un objet potentiel d’étude pour la science mais le vecteur de notre ouverture au monde autant que la condition et le siège de toute expérience sensible ou intellectuelle.
L’expérience se caractérise en effet, contrairement à la pensée ou à l’action, qui sont les deux autres dimensions de la vie humaine par sa mixité, elle nous met comme l’action en contact avec le monde extérieur tout en constituant un élément crucial de notre vie intérieure. L’expérience est ainsi individuelle et subjective, dans la mesure où elle est le lieu d’une rencontre unique entre le sujet et le monde qu’il perçoit ; mais elle est aussi toujours interprétative reposant sur le vécu d’un être personnel avec tout ce que cela implique d’ancrage culturel et collectif. Touchant le corps, on peut penser au rôle des représentations culturelles concernant la perception, celle du corps handicapé par exemple. Enfin, l’expérience est transformante, dans la mesure où se situant aussi au niveau mental, elle permet pour le sujet de construire une conception progressive de la réalité.
L’intervention de Pierre Ancet était consacrée à « L’expérience du corps et le regard porté sur le corps handicapé ». Il s’est intéressé à la perception du corps de et par la personne handicapée. Plus précisément il s’est s’interrogé sur la manière dont le regard d’autrui peut être constitutif du handicap, ce qui implique des questions d’ordre éthique, sollicitant les notions de respect et d’invisibilité sociale. Parallèlement, d’un point de vue phénoménologique, il a évoqué l’expérience intérieure décrite par des personnes atteintes d’handicap physique.
L’intervention de Florence Daupias s’intitulait « Le corps chez Merleau-Ponty : la méthode phénoménologique aux prises avec la méthode scientifique ». Elle s’est interrogée sur le lien entre philosophie et sciences dans les écrits de Merleau-Ponty. Pour construire sa phénoménologie de la perception et élaborer sa théorie du corps, notamment du schéma corporel, Merleau-Ponty étudie précisément les avancées scientifiques, questionnant leurs problèmes mais aussi leurs limites.
Adopter un point de vue phénoménologique à l’orée de nos réflexions corporelles marque une volonté de conserver le corps comme point de départ et horizon de nos réflexions, avec toute l’humilité et toutes les difficultés intrinsèques à ce complexe sujet d’étude, qui nous concerne intimement. Cette première séance nous aura permis de questionner le corps d’un point de vue à la fois théorique – philosophique et scientifique, mais aussi pragmatique et éthique. La réflexion poétique induite par les travaux de Merleau-Ponty sur laquelle Florence Daupias a conclu la séance nous engage sur la voie de la représentation du corps, objet d’une prochaine séance de séminaire.
Pierre Ancet est ancien élève de l’ENS de Fontenay - Saint Cloud et agrégé de philosophie. Il est actuellement maître de conférences en philosophie à l’université de Bourgogne, et chercheur au « centre Georges Chevrier » du CNRS. Il s’intéresse de façon centrale à la question du corps et à ses représentations, notamment d’un point de vue phénoménologique. Le corps hors norme est au cœur de ses travaux. Il a ainsi soutenu une thèse sur « la perception contemporaine du monstre humain, représentation commune et scientifique à l’époque de la tératologie positive », sous la direction de Jean Gaillon. Il a notamment publié sur cette question au PUF en 2006 un ouvrage intitulé « phénoménologie des corps monstrueux ». Plus récemment, ses recherches se sont également portées sur la perception du corps de la personne ’handicapée, et celui de la personne âgée. Il a organisé sur ce sujet plusieurs colloques et journées d’études, et dirigé différents ouvrages, dont « le corps vécu chez la personne âgée et handicapée » chez Dunod, en 2010, ou encore « dialogue sur le handicap et l’altérité », toujours chez Dunod, en 2012. Il est, par ailleurs, membre fondateur de « l’espace éthique Bourgogne - Franche Comté. »
Pierre Ancet s’est situé du point de vue d’une perspective phénoménologique, pour l’appliquer à la situation de handicap. Cette perspective phénoménologique porte sur l’expérience du corps : le corps en question est ainsi le corps vécu, le corps en tant qu’il fait partie de mon rapport au monde - et non le corps organique, en tant qu’il peut être atteint de lésions - ; et cette perspective fait intervenir la question du sujet percevant, ici face à une personne atteinte de handicap physique.
Pierre Ancet choisit l’expression « personne en situation de handicap », d’origine sociologique, au détriment du terme « handicapé », qui réduit la personne à son handicap. Cette réduction, matérialisée dans le lexique, révèle l’objectivation du corps vectorisé par un regard qui construit une situation de handicap non nécessairement vécue en ces termes par la personne considérée. L’atteinte organique, celle qui s’impose au regard, peut n’être qu’une partie du handicap tel qu’il est vécu ; en revanche, la manière dont le corps est perçu crée la situation sociale de l’handicap, source d’une modification profonde du rapport au corps, qui apparaît alors le plus souvent comme un corps stigmatisé.
Il faut donc distinguer plusieurs concepts de corps.
Cette objectivation du corps d’autrui, particulièrement manifeste dans l’analyse du regard porté sur le corps handicapé, semble s’inscrire dans la tendance contemporaine à entretenir une relation d’appartenance à son corps, devenu corps-organisme : c’est le corps que l’on a considéré comme un simple outil dont on peut changer les pièces, réparer le mécanisme s’il se grippe. Corps que l’on peut pousser dans ses retranchements, mener le plus loin possible, jusqu’à la possible rupture, à la manière d’un joueur de poker. Mécanicien, joueur, deux figures emblématiques qui s’opposent à celle du jardinier de son propre corps : celui qui cultive son corps, ce corps qu’il est, ce corps qu’il s’est incorporé, au travers duquel il vit, qu’il reconnaît comme une partie de lui.
Pierre Ancet nous indique ici les travaux de Shusterman, spécialiste de soma-esthétique, et auteur d’un ouvrage intitulé La Conscience du corps. Shusterman place au cœur de sa réflexion les sensations corporelles, et le corps que l’on est, qu’il faut s’efforcer de dire et de pratiquer, de cultiver.
« … nous devons rappeler que le corps constitue une dimension essentielle et fondamentale de notre identité, la perspective et la modalité première de notre rapport au monde, et qu’il détermine (souvent inconsciemment) notre choix des fins et des moyens en ce qu’il structure les besoins, les habitudes, les intérêts, les plaisirs et les capacités dont dépend l’importance qu’on pour nous ces fins et moyens. Ce qui inclut bien sûr la structuration de notre vie mentale, trop souvent opposée à nôtre expérience corporelle, en raison du dualisme qui domine obstinément notre culture. Si l’expérience incarnée est à ce point formatrice de notre être et de notre rapport au monde, alors la conscience corporelle est certainement digne d’être cultivée, non seulement pour améliorer son acuité perceptuelle et savourer les satisfactions qu’elle apporte, mais également pour aborder l’injonction centrale de la philosophie, ce « connais-toi toi-même » dont Socrate fit le point de départ de sa quête philosophique fondatrice. … mais même si nous objectivons ou instrumentalisons le corps (et dans une certaine mesure il est nécessaire de la faire, à des fins pragmatiques de soin somatique), ce n’est pas une raison pour considérer qu’il ne nécessite ni ne mérite notre conscience attentive. Car, à supposer qu’on le conçoive comme un instrument du soi, force est de reconnaître que le corps est l’outil des outils le plus primordial, le médium le plus fondamental à notre interaction avec la diversité de notre environnement, une nécessité pour la perception, l’action, et même la pensée. Tout comme des maçons chevronnés ont besoin d’une connaissance experte de leurs outils, nous avons également besoin d’une meilleure connaissance somatique afin d’améliorer notre compréhension et notre agir dans les diverses disciplines et pratiques qui contribuent à notre maîtrise de cet art entre tous suprême : celui de vivre des vies meilleures . »
Richard Schusterman, Conscience du corps. Pour une soma-esthétique, trad. N. Vieillescazes, Paris, L’Éclat, 2007, p. 12-14.
Un double constat découle de ces remarques ; d’abord, la tentation d’objectivation du corps de l’autre trahit notre intérêt pour le corps que l’on a, au détriment de celui que l’on est. Le rapport de possession que nous entretenons avec notre propre corps nous amène à opérer ce type de jugements objectivants. D’où la nécessité de changer soi-même son rapport à son corps, pour modifier son regard sur celui des autres. Par ailleurs, la relation d’appartenance que l’on entretient avec son corps le fragilise, dans la mesure où il devient tributaire des jugements extérieurs, susceptible d’être modifié par les regards portés sur lui ; il s’agit lors d’un corps que l’on nous prête, que l’on nous donne, et que l’on peut tout aussi bien nous reprendre. Ainsi de la personne qui connaît un handicap physique à qui l’on prête volontiers un corps, des sensations qui ne sont pas forcément les siennes. Ces jugements, qui créent la situation de handicap, reposent sur l’anticipation des capacités de l’individu concerné. Dans le même temps lui sont imposées des incapacités, des impossibilités, celle de l’érotisation par exemple.
Ces jugements ne témoignent-ils pas d’une appréhension égocentrée de l’autre, d’un point de vue validocentriste, sur lequel se fondent des catégories évaluatrices qui méritent d’être interrogées ?
Pierre Ancet nous raconte ses échanges avec Marcel Nuss, qui n’a jamais marché, qui s’est trouvé entièrement paralysé à l’âge de 20 ans, la tête toujours penchée sur le côté (voir la vidéo). Le dialogue qu’ils ont mené s’est voulu un véritable échange phénoménologique : l’expérience d’un corps qui bouge en réponse à question d’un corps qui ne bouge pas. On pourrait croire qu’il existe d’importantes différences sur le plan de l’expérience ressentie entre un corps qui n’a jamais bougé et un corps qui a bougé, puisque l’expérience se fait toujours dans le cadre de l’expérience passée. Or il apparaît que l’expérience du corps propre s’avère beaucoup plus proche que ce que l’on n’aurait pu soupçonner, sur le plan de l’imaginaire.
L’analyse du fonctionnement de l’action permet de mieux saisir ces ressemblances. Le corps propre, ou corps vécu se définit en effet comme un ensemble de capacités d’actions, actions actualisées, actions virtuelles ou actions imaginaires. Ces différentes dimensions de l’action sont intimement connectées les unes aux autres. Si l’on envisage par exemple la manipulation d’objets, on se rend compte que l’action proprement dite est toujours précédée de son anticipation, entre autre une évaluation virtuelle du poids, qui détermine instinctivement le mouvement, et s’appuie sur nos expériences passées. On peut alors se demander ce qu’il en est pour une personne qui n’a pas tenu d’objet depuis plusieurs années, ou bien s’interroger sur la nature de son ressenti dans l’effort qu’il suppose nécessaire à son accompagnant dans l’effectuation de ce geste. Outre le phénomène d’anticipation, on peut en effet penser au phénomène de transfert, celui que l’on expérimente lorsque l’on observe quelqu’un agir – pensons à cette vibration intérieure ressentie au visionnage d’un film d’action, symptôme du transfert de mouvement qui s’effectue à cette occasion, sans que nous soyons pour autant capable d’un mouvement de la même qualité. Il est ainsi possible de ressentir des mouvements virtuels, sans être capable d’agir. Et c’est précisément ce transfert qui permet d’anticiper l’action d’autrui. Or, il apparaît que ce mouvement virtuel peut être le fait de quelqu’un qui n’a pas de motricité propre.
Par ailleurs, la dimension pragmatique de l’action demande à être interrogée. On peut en effet imaginer une action indirecte menée sur l’environnement, qui ne passerait pas par le fait d’agir soi-même.
Ainsi de l’action politique : Marcel Nuss, en 2005, a obtenu la mise en place d’une loi concernant l’autonomisation des personnes handicapées. Ainsi du discours, de la situation de séduction, au cours desquels l’action peut se passer de contact physique. La division théorique action directe / action indirecte se trouve ainsi elle-même relativisée : le regard ne peut-il pas être considéré comme support d’une action directe, dans le cadre de la séduction par exemple ?
Ces réflexions ne sont pas sans implication politique : les catégories institutionnelles et leur évolution sont en effet conditionnées par le regard social porté sur le corps handicapé. Jusque dans les années 80, la notion institutionnelle du handicap ne recouvrait que sa réalité organique. Depuis, l’Organisation Mondiale de la Santé distingue l’atteinte organique, ou impairment, les incapacités (disability) qui découlent de cette atteinte, autrement dit la limitation des gestes et activités de l’individu, et la situation de handicap, ou situation sociale. Il apparaît essentiel de ne pas désolidariser ces différentes dimensions – organiques, fonctionnelles, sociales – qui conditionnent la représentation de la personne en situation de handicap construite par le regard social, et son ressenti.
« Les universitaires font trois choses : ils enseignent, ils font de la recherche et ils écrivent. En 1977, j’enseignais et j’écrivais et, quelques années plus tard, j’allais entreprendre une enquête nouvelle et importante. Se posent alors certaines questions. Qui, en fait, est invalide ? Qu’est-ce, en tout état de cause, que l’invalidité ? Quand, en 1980, il me fallut remplir la formule du recensement, j’examinai soigneusement le paragraphe qui demandait si quelqu’un, dans le ménage, était totalement invalide et j’ai coché la case « non ». Il me semblait que cette question se rapportait au revenu davantage qu’à la santé et j’étais toujours employé à plein temps. Mes déficiences physiques m’interdisaient désormais de travailler sur le terrain, mais de toute façon j’en avais un peu passé l’âge. Autrement, je n’étais ni « handicapé » ni « invalide » dans ma profession. Et j’en tirais une satisfaction immodérée...
Mon combat contre le déclin était devenu plus intense du fait que je cherchais à nier mon invalidité. Mon dépassement des limites de mon corps était une manière de dire au monde académique que j’existais toujours et que je faisais ce que j’avais toujours fait. Et toutes mes activités fébriles, tant à l’université que dans ma communauté, n’étaient rien d’autre que des cris lancés au monde : « Eh oui ! dans ce corps-là, c’est bien toujours le même bonhomme. » Elles me servaient à protéger mon identité, à préserver le sentiment intérieur que ressent tout individu d’être ce qu’il est, sentiment qui lui permet de s’ancrer à un univers éphémère. Nombre de ceux qui font autorité dans le domaine de la rééducation des handicapés ne manqueront sans doute pas de considérer que c’est la preuve que je n’ai pas réussi à « accepter » mon invalidité - traduisez : mon refus de devenir un bon client passif de leurs services. Au contraire, je savais fort bien ce dont j’étais atteint et aussi que cela empirerait et ne s’améliorerait pas. J’acceptais ma condition physique, mais je n’acceptais pas et n’accepterai jamais ses limites sociales ni qu’on escamote mon passé. Aucun handicapé, aucun invalide ne devrait jamais se résoudre à cette acceptation, car la refuser est la base même du combat pour la vie. »
R. Murphy, Vivre à corps perdu, Collection Terre des hommes, Éditions Plon, Paris, 1990, p. 316.
Le regard ici n’est pas seulement de nature optique, c’est aussi un regard qui juge. Le regard, métaphoriquement, c’est l’intention. De même, quand on parle d’invisibilité sociale, il ne s’agit pas non plus de décrire un phénomène optique. D’un point de vue perceptif, l’handicap attire le regard, du fait de l’originalité d’un déplacement, de la conformation singulière d’un corps. Paradoxalement, cette focalisation visuelle crée de l’invisibilité.
Axel Honneth dans La Société du mépris sollicite le roman de Ralph Ellison, L’Homme Invisible, pour évoquer ce paradoxe selon lequel une forte visibilité n’empêche pas l’invisibilité dans l’interaction, l’invisibilité sociale.
« Dans le prologue du célèbre roman de Ralph Ellison L’Homme invisible, le narrateur à la première personne parle de son « invisibilité » : comme le raconte ce « je » toujours anonyme, il est bel et bien un être humain « de chair et de sang » mais « on » ne souhaite pas le voir ; « on » regarde directement à travers lui ; il est tout simplement « invisible », pour tout le monde. Quant à la manière dont il est devenu invisible, le narrateur répond que cela doit être dû à la « structure » de l’ « œil intérieur » de ceux qui regardent ainsi implacablement à travers lui sans le voir. Il entend par là non pas leur « œil physique », non pas un type de déficience visuelle réelle, mais plutôt une disposition intérieure qui ne leur permet pas de voir sa vraie personne. C’est seulement quelques pages plus loin que le lecteur apprend par hasard que la personne qui fait état de son invisibilité est noire et que ceux qui regardent à travers lui de cette manière sont désignés, au passage, comme « Blancs ». A travers les jugements agressifs, brusques et empreints de colère du narrateur, le prologue crée un scénario qui décrit une forme particulièrement subtile d’humiliation raciste contre laquelle le protagoniste noire lutte tout au long du roman : une forme qui rend invisible, fait disparaître, qui ne correspond évidemment pas à une non-présence physique mais plutôt à une non-existence au sens social du terme. », p. 225
Cette invisibilité dans l’interaction peut prendre diverses formes, et connaît divers degrés, que les personnes en situation de handicap décrivent fort précisément, du refus total de la communication à l’infantilisation de l’interlocuteur. Dans tous les cas est imposée une situation d’inégalité par le sujet percevant, qui refusant ou modifiant la communication, et l’existence de l’autre, tend à l’inférioriser.
« Ils me faisaient éprouver que n’existais pas car je sentais leur non regard, comme plus négativement actif qu’une simple distraction »
Cette invisibilité sociale traduit le défaut de reconnaissance à l’égard de la personne ainsi ostracisée. Lui est imposé un statut de liminalité, d’entre-deux, ni personne majeure, ni personne mineure, ni exclue, ni incluse, dans une situation d’insularité. Si elle n’est pas à proprement parler rejetée, elle n’est tout de même pas considérée sur un plan d’égalité. Parfois objet-idole, qui n’est jamais que l’envers de l’objet-repoussoir dont on lui impose plus souvent le rôle, on lui refuse cependant le statut d’objet-miroir.
Robert Murphy décrit dans Vivre à corps perdu (The Body Silent) son expérience de personne en situation de handicap sévère, en tant que professeur en anthropologie. Il fait le récit de son retour à l’université, où il a du retrouver sa place, qu’il décrit comme un rite de passage, où le moment liminal se trouve développé à l’échelle d’une vie. Il explique que la situation la plus difficile est celle où il s’est trouvé en position de devenir l’égal de l’autre : on vous remet à votre supposée place, la place liminale.
Par sa seule présence, l’homme qui a un handicap moteur ou sensoriel engendre une gêne, un flottement dans l’interaction. La dialectique fluide de la parole et du corps se crispe soudain, se heurte à l’opacité réelle ou imagée du corps de l’autre, engendre le questionnement sur ce qu’il convient ou non de faire et dire avec lui. Et le malaise est d’autant plus vif que les attributs physiques de l’acteur favorisent moins l’identification avec lui. Le miroir est brisé, et il ne renvoie qu’une image morcelée. La source de toute angoisse consiste sans doute dans l’impossibilité de se projeter dans l’autre, de s’identifier de quelque façon à ce qu’il incarne dans l’épaisseur de son corps ou dans ses conduites. Cet autre cesse d’être le miroir rassurant de l’identité, il ouvre une brèche dans la sécurité ontologique que garantit l’ordre symbolique (1).
(1) Cela, contrairement à d’autre sociétés qui n’entretiennent aucune prévention à l’encontre de l’infirmité et intègrent les acteurs qui en sont affectés au cœur de l’échange symbolique, sans rien leur retirer ; nous procédons par exclusion envers ces catégories (handicap, vieillesse, folie, mort…) en des désymbolisant et en les affectant d’un signe négatif, quand ces sociétés les incluent au titre de partenaire à part entière dans la circulation du sens et des valeurs.
David Le Breton, Anthropologie du corps et modernité, p. 141.
Le phénomène de gêne décrit par David Le Breton dans cet extrait de l’Anthropologie du corps et modernité révèle les multiples facettes de l’interaction : s’y joue non seulement des rapports sociaux, langagiers, mais aussi des projections corporelles.
Si la personne handicapée se fait handicapante, c’est que nous incorporons l’autre quand nous regardons l’autre : nous incorporons les mouvements d’autrui, nous avons tendance, face à une personne en action, à ressentir du dedans ce mouvement. Le mouvement désordonné de la personne atteinte de trouble de la motricité cérébrale retentit sur mon propre corps, il crée un effet de contagion motrice. Or il est difficile de s’adapter à un rythme différent, par exemple ralenti, d’autant plus difficile que cela touche à ce que nous ressentons intimement. Ce phénomène d’empathie motrice se vérifie dans la découverte des neurones miroirs à la fin du XXe siècle, ces neurones qui s’activent lorsque nous voyons agir quelqu’un d’autre, ou que nous simulons une action. De même, un visage altéré altère notre propre ressenti, introduit de l’autre à l’intérieur de soi.
Cette projection sur le corps d’autrui, nous ne pouvons y échapper, nous sommes toujours engagé dans relation de corps à corps. Cela nous renvoie donc à la conscience que nous avons de notre propre corps, ce qui est bien le fondement d’une démarche éthique : faire retour en soi-même, s’intéresser à ce qui est touché en soi, sans le balayer, en l’acceptant. Traverser la difficulté, s’y habituer, ou passer au travers de la difficulté, aller à la rencontre d’une altérité, qui peut aussi être la rencontre inattendue d’une ressemblance. Faire face au corps de l’autre serait alors aussi se faire face à, à son corps et à ses sensations.
Shusterman considère ainsi que la conscience du corps a une dimension morale. Parvenir à cerner ce qui en soi est problématique dans la perception d’autrui, c’est s’engager dans une perspective éthique active, sans laquelle nous serions tous en difficulté. Si nous n’acceptons pas cette gêne qui se développe en nous, alors paradoxalement nous nous enfermons dans cette gêne. Nous créons une situation d’insularité, écho de celle que vit la personne en situation de handicap.
Dans l’interaction nécessairement l’autre s’introduit à l’intérieur de soi, et en révèle l’altérité, manifestant la très grande proximité entre mon corps et celui de l’autre. Proximité inquiétante, qui peut donner lieu à de vives réactions destinées à se dégager de cette fusion première, par le mépris, par exemple…De fait, une partie du mépris social, source de l’invisibilité, s’enracine dans l’expérience du corps que nous faisons quand nous voyons un corps déformé. Il s’agit alors pour conjurer de telles réactions, de construire une éthique, à la fois théorique et incorporée, qui trouve son fondement dans la conscience fine du ressenti somatique, et qui nous permette l’acceptation du corps de l’autre, dans son altérité.
Florence Daupias d’Alcochete est membre de notre laboratoire. Ancienne élève de l’ENS de Lyon et certifiée en philosophie, elle est actuellement en deuxième année de thèse de philosophie à l’université de Montpellier III. Elle travaille sous la direction de Marlène Zarader sur la phénoménologie du mouvement et l’étude de la motricité chez Merleau-Ponty, qu’elle cherche à mettre en rapport avec la danse.
On a tendance à opposer deux approches méthodologiques : celle de la science, qui privilégierait l’objectivité, le point de vue de l’extériorité et le domaine factuel, considérant alors le corps comme un objet du monde ; et celle de la philosophie, et notamment de la phénoménologie qui, à partir d un primat de l’intériorité et de la réflexion, s’intéresserait essentiellement au non visible, au non factuel, étant alors amenée à comprendre le corps comme un corps propre, ou un corps vécu. Si bien que, considérant le même objet à partir de méthodes radicalement différentes, science et philosophie auraient peu à gagner d’un entretien l’une avec l’autre : à l’autonomisation de la science moderne, à son rejet des labyrinthiques et incertaines considérations métaphysiques, répondait la rupture de la phénoménologie de Heidegger et de Sartre avec la science. En réalité, les deux disciplines entretiennent un dialogue particulièrement riche depuis le début du XXe siècle : certains biologistes ou physiologues, de Goldstein à Berthoz, ont montré un vif intérêt pour la description phénoménologique. Et si Husserl a pu affirmer que la philosophie devait être une « science rigoureuse », Merleau-Ponty a quant à lui dialogué avec les sciences, en particulier avec la neurologie, la biologie, la physiologie et la physique, durant toute son œuvre. Ainsi, toute la question est de savoir dans quelle mesure ces méthodes pourraient s’autonomiser pour penser le corps : elle porte sur la possibilité d’un vrai dialogue entre ces disciplines, qui ne tournerait pas de façon unilatérale en critique de l’autre, mais qui contiendrait la possibilité d’une remise en question de soi. En d’autres termes, à quelles conditions science et phénoménologie peuvent établir un dialogue pour mieux penser le corps et l’expérience du corps vivant ?
Pour comprendre le besoin d’un rapprochement, il faudrait revenir sur le contexte, les problèmes que rencontrent ces deux disciplines expliquant ce qu’elles peuvent attendre l’une de l’autre. Alors que science et philosophie ont, des siècles durant, grandi ensemble, le début du XXe siècle est marqué par la crise de leur opposition.
Devant le règne des sciences humaines qui prônent une méthode dès plus scientifiques et des plus objectives, la philosophie idéaliste connaît un certain discrédit. La dimension scientifique semble même ne pouvoir alors s’affirmer qu’en excluant tout ce qui serait susceptible de comporter une dimension subjective : le quantitatif bannit le qualitatif du domaine scientifique, et tout ce qui n’est pas mesurable est rejeté. Ainsi, le comportementalisme ou le behaviorisme de Watson, dès 1913, évacue la notion de conscience. Le corps lui-même doit être pensé selon un modèle physico-mathématique. Il serait comparable à une mécanique aveugle, tel un clavier : il suffirait d’appuyer sur telle ou telle touche pour produire tel ou tel son, c’est- à dire qu’à tel stimulus correspondrait toujours telle réaction. Voici donc le corps animal ainsi que le corps humain pensés sur le modèle de la chose, devant comme elle être décomposé en ses éléments, analysé, à la façon dont on démonterait un automate pour en comprendre les rouages. Si l’on parle d’expérience du corps, ce serait alors dans le cadre des stimuli qui lui sont proposés : ce serait l’expérience dont il est l’objet, et non pas d’une expérience qui lui serait propre, puisque tout vécu est rejeté de façon méthodique, perçu comme un obstacle à la scientificité du propos.
Pourtant, ce rejet du vécu et cette conception réductrice du corps sont vite critiqués par la science elle-même, notamment par les analyses de Goldstein et Weizsäcker qui, comme le rappelle le début de la Structure du Comportement (1942) de Merleau-Ponty, réintroduisent le qualitatif et le vécu dans le discours scientifique. La vraie rigueur scientifique, dans l’étude du corps vivant et du comportement, n’est pas celle que l’on croyait. Avec une objectivité d’ordre physico-mathématique, le corps est confondu avec une chose physique. On se trompe alors sur sa nature réelle, le fait qu’il est essentiellement non pas un être physique mais un être biologique. La vie ne peut pas être abordée d’un point de vue purement extérieur et objectif : on raterait alors l’essentiel, le fait que l’organisme se situe non pas dans un « monde objectif », le même pour tout le monde, mais dans un milieu qui lui est propre. Pour comprendre le comportement du corps, il faut alors réintroduire les valeurs qu’ils ont pour l’organisme, donc également certains vécus de l’organisme. Bref, le corps ne peut pas être pensé comme une simple matière passive, il n’est pas une chose parmi d’autres, soumis de façon mécanique à des schémas de type action/réaction. Il est situé dans un milieu de comportement, que l’organisme aménage lui-même. C’est un « corps phénoménal », cad un corps qui projette autour de lui un certain milieu qui lui est propre, un centre d’actions vitales. Si l’on devait le comparer encore à un clavier, ce serait à la manière d’un clavier actif, qui se meut lui-même et qui propose certaines de ses touches à son environnement, choisissant les stimuli auxquels il sera sensible en fonction de ses propres normes et de ses valeurs. Ni mécaniste, ni vitaliste, Goldstein considère le corps comme un véritable centre de perspective. L’expérience est donc celle dont le corps vivant est le sujet, celle de son vécu dans un monde traversé par des valeurs.
Ainsi, en s’opposant à une considération simpliste (mécaniste) du corps, en prônant une scientificité qui ne se limite pas à un modèle mathématique et quantitatif, mais qui inclue les valeurs et le qualitatif, le discours scientifique lui-même crée les conditions d’un dialogue avec la philosophie, et notamment la phénoménologie. Science et philosophie ne s’opposent plus. Ce même Goldstein, dans La structure de l’organisme (1934), célèbre la méthode phénoménologique, tenant à décrire et « élucider les phénomènes eux-mêmes1 et allant jusqu’à se demander si son ouvrage tient plutôt de la biologie ou de l’ontologie2. Dans cet engouement pour la philosophie et le courant que Husserl vient de fonder, Goldstein ne fait pas figure d’exception :
« Buytendijk parle d’une ‘investigation phénoménologique des mouvements d’expression’ qui ‘isole un phénomène, le réduit à son résidu irréductible, contemple ses traits essentiels par une intuition immédiate. » (Même si « le mot de phénoménologie est pris ici dans le sens très large de description des structures. » Merleau-Ponty, Structure du comportement, p. 170)
Du côté de la philosophie, Husserl pense d’abord résoudre l’affrontement des prétentions de la science et de la philosophie en soutenant que la philosophie doit être une « science rigoureuse ». Husserl aspirait donc à une phénoménologie proprement scientifique. Mais ce rêve de jeunesse cédera la place à une désillusion, il s’achèvera avec la mise en valeur de « la Crise des sciences européennes » et le danger à généraliser de façon aveugle la méthode scientifique, objectiviste - le monde mathématique venant alors à recouvrir et dissimuler le monde de l’expérience et du vécu.
Qu’en est-il pour Merleau-Ponty ? Merleau-Ponty insiste sur le fait que la philosophie, contrairement à ce que soutient Heidegger, ne peut pas faire cavalier seul : elle ne peut ignorer les avancées de la méthode expérimentale ou les études faites du point de vue du spectateur étranger.
« Notre intelligence de nous-mêmes doit beaucoup plus à la connaissance extérieure du passé historique, à l’ethnographie, à la pathologie mentale, par exemple, qu’à l’élucidation directe de notre propre vie »
Merleau-Ponty, Parcours Deux, p. 12
On retrouve dans d’autres textes l’idée de la nécessité pour le philosophe d’emprunter, au moins provisoirement, un chemin scientifique : c’est que livré à lui-même, le discours philosophique peut trop vite s’égarer et s’illusionner sur les ressources du langage.
Mais si le philosophe veut voir et comprendre trop vite, il risque de se laisser aller à la Gnose (…) ; il est dangereux de laisser toute liberté au philosophe. Se fiant trop vite au langage, il serait victime de l’illusion d’un trésor inconditionné de sagesse absolue contenue dans le langage, et qu’on ne possèderait qu’en le pratiquant. D’où les fausses étymologies de Heidegger, sa Gnose. (…)
Comment donc ne pas s’intéresser à la science afin de savoir ce qu’est la Nature ? Si la Nature est un Englobant, on ne peut la penser à partir de concepts, à coups de déductions, mais on doit la penser à partir de l’expérience, et en particulier à partir de l’expérience sous sa forme la plus réglée, c’es-à-dire à partir de la science.
Merleau-Ponty, La Nature, Notes. Cours du Collège de France, Paris, Editions du Seuil, 1994, p. 121-122
Ainsi, le discours philosophique ne peut se fermer sur lui-même et se cantonner à son domaine : le langage ne peut s’assurer d’éviter la glose ou le « bavardage », que Merleau-Ponty retourne ici contre Heidegger lui-même, qu’en se référant à l’expérience. On retrouve d’une certaine façon les raisons pour lesquelles le modèle physique était préféré au modèle mathématique ; à la différence que ce ne sont pas les mathématiques qui sont ici mis en question, mais de façon beaucoup plus générale, le langage conceptuel et abstrait. Bref, la philosophie doit s’ouvrir à un dialogue avec la science, sous peine de ne rien penser sinon de simples mots. Voilà pourquoi il faut commencer par donner la parole au scientifique, comme le fait par exemple Merleau-Ponty dans la Structure du Comportement.
Cependant, commencer par donner la parole au scientifique ne signifie pas lui laisser le dernier mot. Et si Merleau-Ponty commence par se réapproprier un certain discours scientifique et le faire jouer contre d’autres, c’est toujours dans le but de l’interroger et le penser jusqu’au bout, en mettant à jour ses impensés et ses limites. Ce dialogue reste ainsi solidaire d’un certain « désaveu de la science », mais à condition de bien comprendre ce que cette expression signifie.
Il s’agit de décrire, et non pas d’expliquer ni d’analyser. Cette première consigne que Husserl donnait à la phénoménologie commençante d’être une ’psychologie descriptive’ ou de ’revenir aux choses-mêmes’, c’est d’abord le désaveu de la science. Je ne suis pas le résultat ou l’entrecroisement des multiples causalités qui détermine mon corps ou mon psychisme, je ne puis pas me penser comme une partie du monde, comme le simple objet de la biologie, de la psychologie et de la sociologie, ni fermer sur moi l’univers de la science. Tout ce que je sais du monde, même par science, je le sais à partir d’une vue mienne ou d’une expérience du monde sans laquelle les symboles de la science ne voudraient rien dire. Tout l’univers de la science est construit sur le monde vécu et si nous voulons penser la science elle-même avec vigueur, en apprécier exactement le sens et la portée, il nous faut réveiller d’abord cette expérience du monde dont elle est l’expression seconde. La science n’a pas et n’aura jamais le même sens d’être que le monde perçu pour la simple raison qu’elle est une détermination ou une explication. Je suis non pas un ’être vivant’ ou même un ’homme’ ou même ’une conscience’ avec tous les caractères que la zoologie, l’anatomie sociale ou la psychologie inductive reconnaissent à ces produits de la nature ou de l’histoire, - je suis la source absolue, mon existence ne vient pas de mes antécédents, de mon entourage physique et social, elle va vers eux et les soutient, car c’est moi qui fait être pour moi (et donc être au seul sens que le mot puisse avoir pour moi) cette tradition que je choisis de reprendre ou cet horizon dont la distance à moi s’effondrerait, puisqu’elle ne lui appartient pas comme une propriété, si je n’étais là pour la parcourir du regard. Les vues scientifiques selon lesquelles je suis un moment du monde sont toujours naïves et hypocrites, parce qu’elles sous-entendent, sans la mentionner, cette autre vue, celle de la conscience, par laquelle d’abord un autre monde se dispose autour de moi et commence à exister pour moi.
Phénoménologie de la Perception, Paris, NRF, Gallimard, 1945, p. II-III.
La méthode phénoménologique, comme « description », était donc le désaveu de la méthode objective, explicative, causale. Mais ce désaveu est surtout celui de la confusion entre une méthode objective et la réalité de l’objet étudié : c’est celui de la réduction de l’être de l’objet étudié aux caractéristiques de la méthode par laquelle on l’appréhende. C’est le désaveu non pas des avancées scientifiques, mais d’une ambition : la prétention d’une méthode objective à suffire à rendre compte du monde dans sa totalité, à statuer seule sur son être, oubliant ou refoulant ses fondements vécus. Or, la connaissance scientifique n’est pas autonome : elle est elle-même fondée sur un autre type de savoir, une expérience du monde que nous donne notre corps, et que la phénoménologie explicite. Ce qui est critiqué, c’est donc une science qui refuserait le dialogue avec la phénoménologie et plus généralement avec l’expérience vécue du monde et du corps.
Enfin, signalons que si les écrits de Merleau-Ponty s’ouvrent en nous faisant entendre des voix scientifiques, ils se referment sur des voix plus poétiques, comme si un interlocuteur allait finalement prendre le pas sur les autres. En considérant notamment le corps comme « chair », Merleau-Ponty va se retrouver contraint d’élaborer de nouvelles catégories et un nouveau langage : le retour au monde vécu et au sensible vont impliquer pour le discours phénoménologique d’être habité par les métaphores.
Aurore Dourthe & Florence Daupias d’Alcochete